Mobiliser l’empathie, récolter la bienveillance
Pour bien travailler ensemble en entreprise, je propose de mobiliser l’empathie plutôt que d’espérer la bienveillance. Je ne rejette pas cette dernière mais je l’estime moins première pour régir les interactions en entreprise. Je la vois plutôt comme une conséquence heureuse des processus de coopération mis en œuvre. L’entreprise peut difficilement maîtriser l’expression collective d’une qualité aussi individuelle dans sa nature. Cela relève à mon sens de la même croyance que celle du formateur qui en début de session collective inscrit en lettres majuscules le mot bienveillance comme règle de fonctionnement. S’il le fait c’est qu’il sait justement que nous sommes naturellement prompts à mobiliser nos jugements et nos représentations dans nos feedbacks. Poser pour fonctionnement collectif un terme aussi valise sera-t-il suffisant pour changer les comportements individuels ? Je ne crois pas une seconde qu’une règle ou qu’une prédication puissent générer cette élévation collective de comportement. En revanche, je sais que certains processus de travail produisent des interactions joyeuses et bienveillantes. Cette différence est fondamentale. Ce n’est pas en plaquant une représentation de ce que devraient être les interactions en entreprise que l’on change les comportements. C’est en proposant des processus de travail soutenus par des ressources – humaines – partagées que l’on génère d’heureuses conséquences comme des comportements bienveillants.
Une de ces ressources accessible et partagée est l’empathie lorsque l’on sait la mobiliser.
L’empathie, un outil adapté au monde de l’entreprise
D’abord, l’empathie est une dynamique d’action que l’on mobilise à l’aide d’un processus. En ce sens, ce n’est pas seulement une ressource individuelle. C’est aussi un angle de travail collectif. Par exemple, un atelier de travail en intelligence collective démarrera toujours par un temps d’ouverture. Ce moment permet d’entrer dans le cercle des interactions, curieux de l’autre et de soi-même, à l’écoute de ses besoins et de ses attentes. Le facilitateur qui porte le processus va par cette action impulser un mouvement partagé par les participants. A l’issue de ce temps d’ouverture, chacun est prêt à travailler sous ce mode. La suite du processus visera à déployer encore plus cette dynamique de rencontre avec l’altérité. L’empathie sera alors vécue par le groupe comme un outil de coopération efficace.
L’entreprise qui organise ces espaces de travail retrouve ainsi tout son rôle et donne du sens à l’action collective. Posez la question à des personnes ayant participé à un atelier d’intelligence collective bien mené si elles y ont trouvé du sens. Vous verrez que les réponses seront positives. La raison en est simple : elles ont travaillé ensemble à parité au service d’un projet partagé qui a produit des résultats concrets. On développe ici un collectif de travail solidaire. Et ça c’est de la responsabilité de l’entreprise.
L’empathie pour innover
Ensuite l’empathie est un exceptionnel levier d’innovation. En effet, au cœur des logiques d’innovation, il y a la compréhension du besoin de l’autre. Pour bien répondre à mon client, je dois comprendre son besoin. C’est une approche utilisée par exemple en atelier de Design Thinking. Ce type d’atelier va mobiliser un groupe de salariés sur une démarche d’innovation de service ou de produit. Le processus est tout entier soutenu par l’énergie de l’empathie. Avec elle, le groupe va mener une enquête terrain pour comprendre le besoin de ses clients/usagers. Avec elle, il va booster sa créativité collective. Elle sera aussi le garde-fou qui permettra à cet élan créatif de rester focalisé sur l’objectif d’usage du produit ou du service. C’est dans cet esprit qu’il va produire in fine une proposition « prototype » réalisable, viable et désirable pour toutes les parties prenantes. Voici un lien pour en savoir plus sur la démarche de design thinking.
On peut dire que l’empathie est ici une « centration combinée » dans le sens où ce que nous découvrons de l’autre fait écho à ce que nous découvrons de nous-même. Ainsi, la démarche ne consiste pas à oublier nos propres besoins et envies. Nous cherchons ici leur entrée en résonnance avec ceux de l’autre. Ce qui est finalement produit doit être désirable pour tout le monde.
Mobilisons ensemble notre empathie
Ainsi, ce qui rend l’empathie vertueuse et adaptée au monde l’entreprise c’est sa nature dynamique. On peut la mobiliser lorsqu’on le décide. On ne se contente pas d’en souhaiter la présence ou d’en redouter l’absence. Sur ce champ, il me semble que notre responsabilité collective consiste plus à animer des dynamiques de coopération qu’à espérer l’émergence de postures individuelles.
Chacun peut en parallèle s’interroger (ou être interrogé) sur l’adaptation de ses comportements et travailler sa posture bienveillante. Le coaching individuel peut dans ce cas être une réponse proposée par l’entreprise.
À propos de l'auteur
Mathieu Jéhannin est coach et facilitateur. Il co-dirige le cabinet d'accompagnement au management Happy-Up Performance. Il est spécialisé dans l'accompagnement du développement professionnel des personnes et des équipes. Mathieu est formé au Design Thinking et à la Coopération Dynamique®.